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Souvorov fracassa la lampe de la cabine avec la crosse de son arme. Moran gémit et, revenant à lui, se frotta les yeux en secouant la tête pour chasser le voile qui recouvrait ses pensées. Quant à Larimer, il se mit à vomir dans un coin avec des hoquets douloureux.

L’ascenseur s’arrêta en douceur et les portes s’ouvrirent automatiquement, laissant pénétrer une bouffée d’air chaud. Trois ampoules nues diffusaient une pâle lumière. L’atmosphère était lourde et humide, dégageant une odeur de gazole et de végétation pourrissante.

A quelques mètres se tenaient deux hommes qui bavardaient en attendant Lugovoy pour son rapport quotidien. Ils se retournèrent vers la cabine plongée dans l’obscurité. L’un d’eux portait un attaché-case. Avant de les abattre chacun de deux balles dans la poitrine, l’agent du K.G.B. eut le temps de noter qu’ils avaient des yeux bridés d’Asiatiques.

Il prit Moran par la taille et le traîna sur le sol qui paraissait fait de tôles rouillées tout en propulsant Larimer devant lui à coups de pied comme s’il s’agissait d’un chien récalcitrant. Le sénateur titubait, trop malade pour parler, trop abasourdi pour réagir. Souvorov glissa son pistolet dans sa ceinture et saisit Larimer par le bras pour le guider. L’Américain avait la peau moite et grisâtre. Le cœur du vieil homme risquait de flancher.

L’agent du K.G.B. jura en trébuchant sur une grosse chaîne. Il s’arrêta. Un tunnel, une sorte de rampe, s’ouvrait devant lui, plongeant dans les ténèbres. Il avait l’impression de se trouver dans un sauna ; ses vêtements étaient trempés de sueur et ses cheveux collés à son front. Il fit quelques pas et faillit à nouveau perdre l’équilibre.

Moran pesait de plus en plus lourd et le Russe comprit qu’il était arrivé à la limite de ses forces.

Il réussit cependant à descendre la rampe pour déboucher dans la nuit. Il leva les yeux et, soulagé, vit un ciel criblé d’étoiles. Il lui semblait être au bord d’une route gravillonnée. Il n’y avait pas de lumières. Sur sa gauche, il distingua vaguement les contours d’une voiture. Il dirigea Larimer jusqu’au fossé bordant le chemin et y laissa enfin tomber Moran avant de s’approcher du véhicule par l’arrière.

Il s’immobilisa pour écouter. Le moteur tournait au ralenti et la radio marchait. Les vitres étaient soigneusement remontées et il en conclut que le climatiseur devait fonctionner.

Silencieux comme un chat, il s’accroupit et s’avança, veillant à rester hors du champ du rétroviseur. L’intérieur de la voiture était dans le noir et il ne parvint à distinguer qu’une seule silhouette au volant. S’il y avait d’autres occupants, il ne pourrait compter que sur l’effet de surprise pour jouer en sa faveur.

C’était une longue limousine, une Cadillac lui apprirent les lettres en relief sur le coffre, un modèle qu’il n’avait jamais conduit.

Il tâtonna à la recherche de la poignée puis, prenant une profonde inspiration, il ouvrit la portière à la volée.

Le plafonnier s’alluma. L’homme installé sur le siège avant tourna brusquement la tête et s’apprêta à crier. Le Russe fit feu par deux fois.

Sans perdre une seconde, il tira le corps hors de la voiture puis alla chercher Larimer et Moran pour les fourrer à l’arrière. Les deux Américains avaient perdu les couvertures qui les enveloppaient, mais ils étaient trop choqués pour s’en préoccuper. Ces hommes politiques importants étaient maintenant plus effrayés que des enfants perdus dans une forêt.

Le Russe mit le levier de la boîte automatique sur « Marche » et écrasa l’accélérateur. Les roues patinèrent sur une cinquantaine de mètres, projetant une pluie de graviers, pendant que le conducteur, d’une main tremblante, cherchait le bouton des phares. Il le trouva et alluma enfin pour constater avec soulagement que la grosse limousine roulait au milieu d’un chemin de terre plein d’ornières.

Tandis que la douce suspension de la Cadillac absorbait les cahots sans protester, Souvorov tenta de se repérer. Les branches des cyprès qui bordaient la route étaient couvertes de mousse. Ce phénomène, ainsi que l’atmosphère lourde et humide, indiquait qu’ils devaient se trouver quelque part dans le sud des Etats-Unis. Il aperçut un croisement devant lui et freina dans un nuage de poussière. Au carrefour se dressait un bâtiment désert, presque en ruine, une ancienne station-service. A en juger par l’aspect des lieux, il devait y avoir des années que c’était fermé.

En l’absence de panneaux indicateurs, le Russe, au hasard, prit à gauche. Les cyprès firent bientôt place à des pins et à quelques fermes isolées. La circulation était rare à cette heure et il ne croisa que deux voitures, Il arriva à une route plus importante. Une borne indiquait son numéro, mais rien d’autre. Il tourna une nouvelle fois à gauche et continua à rouler.

L’esprit de Souvorov demeurait froid et analytique. Quant à Moran et à Larimer, silencieux, ils paraissaient faire aveuglément confiance à l’homme qui les avait délivrés.

L’agent du K.G.B., à présent plus détendu, ralentit. Il n’apercevait pas de phares dans son rétroviseur et tant qu’il respectait les limitations de vitesse, il ne risquait guère de se faire arrêter par quelque shérif local. Il se demandait dans quelle région il pouvait se trouver. La Géorgie, l’Alabama, la Louisiane ? Il y avait maintenant des maisons, des immeubles et même des lampadaires, mais toujours aucune indication.

Une demi-heure plus tard, il parvint à un pont traversant un fleuve. Le Stono, lut-il. Ce nom ne lui disait rien. Devant lui s’étendaient les lumières d’une grande ville. Sur la droite, elles cessaient brusquement et tout l’horizon était obscur. Un port, se dit-il aussitôt. Soudain, ses phares emprisonnèrent un grand panneau noir et blanc.

CHARLESTON 5 MILES.

« Charleston ! s’écria-t-il, ravi de ses connaissances géographiques. Nous sommes en Caroline du Sud ! »

Trois kilomètres plus loin, il vit un drugstore ouvert avec une cabine téléphonique. Tout en surveillant Larimer et Moran, il appela l’opératrice et demanda un numéro en P.C.V.

 

Panique à la Maison-Blanche
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